Le 13 juin prochain, deux initiatives qui nous permettront de renoncer progressivement à des produits toxiques de synthèse pour protéger les cultures seront soumises à votation populaire. Les mesures prises ces dernières décennies ont permis de produire une alimentation relativement saine. Par contre, des résidus toxiques, persistants se sont accumulés dans les sols et les eaux, provoquant une menace pour la fertilité naturelle des terres nourricières, la préservation d’une eau propre et des écosystèmes terrestres et marins.
10 ans pour passer de l’agrochimie à l’agroécologie, c’est non seulement faisable, mais c’est devenu inévitable.
Adulés après la guerre, les pesticides de synthèse et les engrais du commerce qui ont « dopés » les sols et les plantes se sont révélés, quelques décennies plus tard, comme une menace pour la qualité des aliments, la fertilité naturelle des sols et la qualité de l’eau. Malgré une homologation plus rigoureuse des produits, la formation accrue des utilisateurs, des paiements directs mieux ciblés en matière de prestations écologiques, le bilan est mauvais, alarmant. Tout ce qui a été entrepris pour limiter les dégâts s’avère aujourd’hui nettement insuffisant. Soit nous continuons de « bricoler » de nouvelles mesures à la périphérie des champs cultivés, soit nous engageons une réforme fondamentale qui vise des pratiques culturales durables sur la totalité des terres cultivées.
Renoncer aux pesticides de synthèse amène tous les acteurs de la filière alimentaire à penser et agir autrement. Préserver les ressources vitales pour une alimentation saine, suffisante et durable constitue un bien commun. En aval de la production, l’engagement des paysans et des paysannes devra être reconnu et rémunéré équitablement par les acheteurs, les transformateurs, les distributeurs et les consommateurs.
Cette évolution ne sera pas une mince affaire pour les agriculteurs qui n’ont pas encore engagé de nouvelles pratiques culturales, notamment dans la viticulture, le maraîchage, l’arboriculture et les grandes cultures. Pour le Jura et les régions montagneuses, la transition ne se heurte pas à des problèmes agronomiques majeurs. Rappelons que l’encadrement professionnel et financier sera maintenu et renforcé pour accompagner, conseiller. Il s’agit des stations de recherches agronomiques, des services cantonaux de vulgarisation agricole, des chambres cantonales d’agriculture, des Offices fédéraux concernés et de l’Union suisse des paysans. Plus près des terres, les collègues, toujours plus nombreux-euses à pratiquer une agriculture durable, peuvent être de solides appuis. Les paiements directs actuels ne sont pas remis en question.
Sur le fond, il en va de la carte maîtresse de la production agricole ; les sols. Leur vitalité dépend étroitement de la présence de micro-organismes, de champignons, de bactéries et de vers de terre. Vivants, les sols constituent la trame essentielle pour produire des aliments de qualité ; les toxiques, l’intensification, le tassement, les labours profonds, les engrais dopants, l’absence de couverture végétale les dégradent inexorablement. Nous disposons de la connaissance et des moyens nécessaires pour produire tout en les préservant. Renoncer progressivement aux pesticides de synthèse constitue une étape inévitable.
L’écosystème forestier que nous connaissons depuis plus d’un siècle résulte d’une volonté politique qui interdit les coupes rases, favorise la biodiversité, réglemente les coupes par le choix d’une forêt jardinée. Cette pratique a permis de maintenir le potentiel naturel de production sans pesticides et sans engrais. Voilà qui nous inspirer, nous guider pour de nouvelles pratiques agricoles.
Fernand Cuche
Lignières, le 19 avril 2021