Allocution Fernand Cuche « Marche contre Monsanto »
La terre et nous Vers une relation plus apaisée, créatrice et respectueuse
A la sortie de la guerre en 1945, la population européenne souffrait de la faim.
Nous étions dans l’urgence. L’utilisation progressive des engrais de synthèse et des pesticides a permis d’augmenter et de réussir les récoltes, de manger à sa faim. Les agriculteurs furent performants dans l’utilisation des nouveaux intrants agricoles. Les récoltes abondantes étaient le fruit d’une grande réjouissance.
D’une volonté louable; produire de la nourriture pour répondre à la nécessité vitale de manger, la production de denrées alimentaires a été progressivement considérée comme un marché offrant de grandes capacités à réaliser des profits.En l’espace de 60 ans, les firmes agrochimiques, agro-industrielles, et la grande distribution se sont emparées des cartes maîtresses de l’alimentation.
Aujourd’hui, nous sommes face à une offensive globale, mondialisée qui dépossède les agricultures locales de leur savoir-faire. Progressivement la paysannerie perd pied sur ses propres terres, y compris chez nous. Nous sommes face à une tentative d’endoctrinement qui tente à nous faire croire que les seigneurs de la terre ne sont plus les paysans, mais les firmes qui sillonnent les campagnes pour vendre des engrais, des pesticides et des semences brevetées.
Nous assistons à une compromission de nos gouvernements; le marché globalisé devient le principal organisateur de nos sociétés. Les lois du marché sont plus fortes que le droit légitime des peuples à choisir la qualité de leur alimentation. Les lois du marché sont plus fortes que les lois sur la santé publique. Monsanto compte parmi les principaux acteurs qui méprisent les paysanneries locales. Monsanto compte parmi les principaux acteurs qui portent atteinte à la santé de populations démunies, polluent les terres fertiles, les eaux, accaparent le vivant pour étendre sa domination financière.Nous étions dans l’urgence à la sortie de la guerre.
Nous sommes à nouveau dans l’urgence face à des terres nourricières qui subissent les assauts répétés des firmes, aveuglées par la boulimie du profit. Nous sommes à nouveau dans l’urgence face à l’exode rural qui sévit partout sur la planète.Face à cette agression contre l’humanité, contre la planète terre, nous sommes en droit de nous indigner, de protester. Monsanto et les autres ne peuvent plus nier cette dévastation, nier leurs responsabilités.J’en appelle à la direction de l’entreprise, aux actionnaires, aux chercheurs, aux chargés de communication, aux lobbyistes. Vous le pressentez, et ce pressentiment vous poursuit :
le modèle productiviste, industriel en agriculture, avec ses corollaires comme la monoculture, le recours acharné à de nouveaux pesticides et aux engrais du commerce;
ce modèle est condamné !Ne nous laisser pas croire que tant que vous pourrez faire de l’argent, quitte à continuer de corrompre des gouvernements, vous continuerez dans ce sale boulot. Faites votre part, comme celles et ceux qui manifestent aujourd’hui ici et ailleurs. Retrouver le goût et l’envie d’œuvrer pour une protection écologique des cultures.Quel sens à gagner sa vie en détruisant la vie ?
Je vous l’accorde, la préservation écologique du vivant est exigeante; elle demande d’innover en permanence. Elle fait appel à de nombreux chercheurs, à de nombreux enseignants et à de nombreux vulgarisateurs.La transition vers une agriculture écologique exige une forte mobilisation de celles et ceux qui travaillent pour l’agriculture de demain.
La transition nécessite le retour d’un très grand nombre de paysannes et de paysans dans les campagnes pour cultiver la terre. Une paysannerie reconnue, équitablement rémunérée, comme le demande l’initiative sur la souveraineté alimentaire, déposée en mars dernier par Uniterre. Notre chance est de disposer d’un savoir qui ne demande qu’à être valorisé et développé. Les alternatives crédibles existent. Les outils sont là, alors, en avant !A force de tarder, d’avoir déjà trop tardé à prendre le taureau par les cornes au niveau gouvernemental, je pressens l’arrivée d’une initiative populaire pour l’interdiction des pesticides. Pour éviter de se retrouver une fois de plus sur les pattes arrières, j’en appelle au Conseil fédéral, aux Chambres fédérales, à l’Union suisse des paysans, aux Chambres d’agriculture pour engager la transition.En dix ans la Suisse passe de l’agrochimie à l’agroécologie.
Elle sera le premier pays industrialisé à réaliser ces pas décisifs pour une alimentation de qualité et des campagnes vivantes.Fernand Cuche
Les Prés, 2523 Lignières, le 21 mai 2016