Economiesuisse et l’accord de libre-échange avec l’Indonésie.
Un ours et un tigre se font des mamours…
Chef de projet chez Economiesuisse, Carmelo Lagana déclare dans le Matin dimanche du 10 janvier : « Nous voulons transmettre un message positif qui joue avec une certaine émotion. Ces deux animaux peuvent symboliser la Suisse et l’Indonésie. L’image entend montrer que l’accord accepté par le Parlement est gagnant-gagnant pour les deux pays. Nous voulons montrer que l’accord avec l’Indonésie ne se limite pas aux questions économiques mais également à d’autres domaines dont le développement durable avec le respect des conditions de travail en vue de l’importation de matières premières en Suisse».
Comme c’est touchant, surtout pour les enfants. Ces malheureux n’ont pas encore le droit de vote. De là à considérer le peuple des votants comme de grands gamins et gamines, je ne franchirai pas le pas par crainte de m’exposer à de sérieux coups de griffes. Pour le choix de l’ours, je comprends ; il fait partie de notre mémoire collective ; il y a quelques semaines encore, il figurait toujours sur de nombreux biscômes. En plus, il revient au pays après s’être égaré dans des contrées lointaines. Quelle douce surprise pour lui lorsqu’il sortira de l’hibernation, il pourra se délecter d’une huile de palme spécialement choisie pour lui par son ami le tigre. Le tigre d’Asie est un fauve connu, que dis-je, un seigneur. Chez nous, il s’est manifesté dans plusieurs stations-services. Vous en souvenez-vous ? « Mettez un tigre dans votre moteur ». Peut-être pourrions-nous lui offrir une seconde vie en le faisant figurer sur tous les emballages de denrées alimentaire qui contiennent de l’huile palme ?
En quête d’information sur la production de cet oléagineux, j’ai découvert une réalité éloignée d’un accord de libre-échange où tout baignerait dans l’huile, selon les propos des milieux économiques et du Conseil fédéral. Oui, le tigre est emblématique de l’Indonésie. A l’époque ils étaient plus nombreux que les ours en Helvétie, disposant de surfaces nettement plus grandes. Mais son territoire est devenu extrêmement réduit en raison de la déforestation pour l’agriculture et les plantations. Vous y ajoutez le braconnage et il restait entre 400 et 500 individus en 2018. Si leur nombre devait continuer à chuter, les jours du tigre de Sumatra seraient comptés. A-t-il eu le courage d’en parler à son ami l’ours d’Helvétie ? Ce dernier aurait pu être mis en scène avec un orang-outan, lui aussi habitant emblématique de cet écosystème forestier parmi les plus riches en espèces arboricoles (500 variétés d’arbres pour un hectare). Comme pour le tigre, l’orang-outan subit une pression persistante sur son habitat, exercée par les cultivateurs, l’industrie du bois et du palmier à huile. L’équivalent de 150 terrains de foot disparaissent chaque heure à cause du défrichement par le feu en Indonésie à la fin de l’été, où seront plantés les palmiers à huile.
Notre ours, même si c’est un puissant gaillard selon la photo, ferait bien de ne pas s’aventurer trop loin dans ce qu’il reste de forêt. Il pourrait se trouver face à une équipe de bûcherons ou de braconniers qui ignorent tout du beau projet d’Economiesuisse pour un monde meilleur. Cette dernière aurait pu porter un grand coup en novembre dernier en disant oui à l’initiative pour des multinationales responsables. Espérer que tous les animaux de la planète se donnent la patte, pourquoi pas. S’engager pour que tous les habitants de la planète se donnent la main pour la dignité humaine et la préservation des ressources naturelles vitales, c’est mieux, beaucoup mieux et urgent.
Fernand Cuche
Les Prés / Lignières, le 19 janvier 2021
Source de la photo, sur le site https://indonesie-oui.ch/ : https://indonesie-oui.ch/wp-content/uploads/2021/01/tiger_Website_bg-artikel.jpg