Nous nous émerveillons de la diversité de la lumière, de la musique, du chant, de l’architecture, de la faune, des plantes aromatiques, médicinales et nutritives ainsi que des paysages.
Au cours de son histoire, l’humanité, pour assurer son alimentation, va à la découverte des plantes et des animaux, chasse, puis sélectionne, multiplie. Par exemple, ce sont près de 3000 variétés de pommes de terre qui ont été répertoriées, suscitant l’admiration, voire le « tournis ».
Avec l’accumulation de ces connaissances, nous discernons de mieux en mieux le rôle de la biodiversité dans le monde vivant.
Inscrire dans la constitution la préservation de ce patrimoine naturel, c’est reconnaître enfin sa fonction vitale alors qu’elle est de plus en plus malmenée par les activités humaines caractérisées par un maldéveloppement persistant.
Indispensable à la survie de l’humanité, la biodiversité joue un rôle majeur pour lutter contre l’insécurité alimentaire.
La biodiversité doit progressivement trouver sa place sur des terres cultivées, étroitement associée à l’acte de production.
Des paysannes et des paysans ont anticipé cet enjeu grâce à des pratiques agricoles durables ; agriculture biologique, polycultures et élevage, régénération des sols, agroforesterie, permaculture, vitiforesterie, biodynamies, y compris dans des productions sensibles et exigeantes comme la viticulture.
Ces pratiques culturales intègrent la biodiversité comme une donnée déterminante.
L’épuisement des ressources naturelles, les pollutions « diversifiées » dans les sols, dans l’eau et l’air à l’échelon planétaire, couplé à un dérèglement climatique qui se confirme, nous amènent à reconsidérer fondamentalement nos comportements et nos modes de production dans tous les secteurs d’activités.
Face au grand « chambardement » qui s’impose, l’agriculture fût un des premiers secteurs concernés parce qu’elle joue le rôle fondamental de produire des denrées alimentaires, et est donc au cœur de la vie.
La prise en considération progressive de la biodiversité sur l’ensemble des terres cultivées ne suffira pas pour lutter contre l’insécurité alimentaire.
S’y ajoutent, et non des moindres :
- une forte détermination à négocier des prix rémunérateurs à la production ;
- une protection non négociable des terres arables qui nous reste. C’est la fin du dézonage pour le bétonnage ;
- le renoncement à signer des traités commerciaux de libre-échange dépourvus de clauses sociales et environnementales ;
- l’élimination du gaspillage alimentaire ;
- l’application plus stricte de mesures tarifaires aux frontières pour favoriser les productions indigènes à des prix rémunérateurs.
Croire que l’affaiblissement de l’écologie nous sortira d’affaire est une illusion, un leurre.
L’engagement sur le terrain de la négociation est primordial. En signant en octobre 2021 une alliance avec Économie suisse, l’Union suisse des paysans (USP) a réussi son coup ; une forte délégation paysanne siège à Berne.
L’hiver dernier, la révolte paysanne lancée en France gagne nos campagnes ; la faîtière agricole accourt, soutient et accompagne la démarche. Les milieux économiques sont restés très discrets.
Et pour cause ; le Conseil fédéral demeure impassible par sa détermination à prolonger le traité de libre-échange signé avec la Chine en 2014 et les traités commerciaux avec le Mercosur sont toujours à l’agenda.
Comme il est difficile de se faire entendre et respecter dans la cour des grands, des puissants lorsque l’intérêt dominant de la croissance à tout prix a réussi à s’imposer comme un dogme.
Après les récoltes et les semis d’automne, que l’initiative soit acceptée ou non, la révolte paysanne pourrait bien être au rendez-vous comme annoncé à l’arrivée du printemps dernier.
À la suite du net refus des deux initiatives anti-pesticides en juin 2021, L’USP et les Chambres d’agriculture sont galvanisées, en pole position pour envoyer la charge contre cette nouvelle poussée écologique.
Vraisemblablement, d’autres initiatives fédérales suivront. À la mi-août déjà, une nouvelle a été déposée, intitulée « Pour une alimentation sûre ».
Jusqu’à quand allons-nous alimenter cet antagonisme devenu de plus en plus improductif ; comme si nous avions le temps de remettre la préservation de la vie dans nos sols productifs et nos pratiques culturales dont dépend 90 % de notre alimentation.
Le texte de l’initiative est rédigé en termes généraux. C’est la voie à suivre pour inscrire dans la constitution les enjeux majeurs de la biodiversité. Si l’initiative est acceptée, il s’agira de reconnaître ce qui a déjà été réalisé dans l’agriculture, notamment dans les régions de montagnes et jurassiennes.
L’éclairage devra être porté sur les surfaces dédiées aux grandes cultures et aux prairies devenues si pauvres en diversité ; les insectes pollinisateurs et toute la microfaune en redemandent.
Il s’agira aussi d’intervenir dans les zones d’habitation, industrielles et commerciales où le gazon ne saurait tolérer la moindre plante indésirable, où la tondeuse autonome règne jusqu’à couper les pattes du hérisson qui s’aventure sur les pelouses, devenues si pauvres en diversité. Toute la microfaune en redemande.
Inscrire la biodiversité dans la constitution lui donne une emprise souveraine, subordonnée à la seule volonté d’une majorité du peuple et des cantons qui exprimeront leur engagement pour préserver la vie.
Nous disons oui à l’initiative !
Fernand Cuche et
André Frutschi, ing. agronome EPFZ
Lignières, le 28 août 2024
Initiative « Biodiversité »
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Le Temps du 27.08.24 François Margot « La paysannerie prise en otage »