Terrains de golf – sécurité alimentaire.

Des terres toujours cultivables

Quasi tous les terrains de golf du monde étaient cultivés avant de devenir des espaces de loisirs pour gens fortunés. Ces terres nourricières, plates, fertiles sont choisies aussi pour leur exposition au soleil, une profonde couche de terre végétale et la possibilité de capter de l’eau dans la proximité. Les meilleurs sols pour réussir ses récoltes. Les pionniers de la culture des champs ont bien identifié les conditions requises pour améliorer les récoltes Les domaines d’un seul tenant sont prisés. Pour un golf à 19 trous il faut compter une cinquantaine d’hectares. Les golfs suisses représentent une surface agricole de 4200 hectares ; c’est donc parmi les meilleures terres agricoles, faciles à cultiver que la plupart des terrains de golf prennent racine. La qualité requise pour les pelouses à golf requiert une tonte suivie, une attention soutenue pour l’arrosage, l’apport en engrais et l’utilisation de produits phytosanitaires afin de garantir une qualité impeccable des parcours.  L’utilisation sociale de ces espaces aménagés est plutôt extensive, rien à voir avec la pelouse d’une piscine municipale ou les parcs publics en bordure de nos lacs à la belle saison.

Le dérèglement climatique, la raréfaction des ressources naturelles vitales comme l’eau et les terres arables jette une lumière crue sur le mal développement de nos choix sociétaux, notamment en matière d’aménagement du territoire. Aujourd’hui, encore, 90 % de notre alimentation dépend des sols. Au niveau planétaire, une surface équivalente à la surface de la Suisse est définitivement perdue pour la production de denrées alimentaires (salinisation, sécheresses persistantes, désertification, épuisement des terres), et le phénomène s’amplifie. Les 4200 hectares utilisés pour la pratique du golf dans notre pays demeurent cultivables. La Fédération Suisse Golf dispose depuis 2018 d’une « commission durabilité » dont la stratégie est claire selon les déclarations de son responsable dans « Le Temps » du 19 avril dernier : » On se dirige vers une gestion sans produits phytosanitaires que l’on prévoit d’atteindre en Suisse en 2030, mais cela pourrait être plus tôt, notamment si on nous y oblige. Et puis à l’horizon 2035, on souhaite atteindre la « neutralité carbone ».

La sécurité alimentaire doit s’adapter en permanence face à la nouvelle donne évolutive climatique avec ses conséquences sur les rendements au niveau mondial et le coût de l’alimentation. Estimer les terrains de golf comme un potentiel agricole de proximité doit être pris en considération. L’état de nécessité peut être évoqué par le Conseil fédéral. Il s’est référé récemment à cette disposition légale pour le sauvetage de la banque Crédit suisse. Personne dans ce pays « souhaite » en arriver à un point d’urgence alimentaire national, comme c’est le cas dans de nombreuses régions du monde. Personne ne peut affirmer que cela n’arrivera jamais ici. La transition vers une agriculture de proximité, durable, résiliente, tarde à venir. Rien n’est prévu de décisif au niveau fédéral avant 2030. Les activistes pour le climat qui ont marqué leur passage, à leur façon sur les terrains de golf nous rappellent une fois de plus l’état d’urgence.

Fernand Cuche
Lignières, 20 avril 2023

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Grondement des terres à Vufflens-la-Ville, avec Fernand Cuche

« de 3 »

Samedi 4 mars au 19.30 de la RTS ; un groupe d’activistes pour le climat ont aménagé un campement au pied d’une colline boisée, convoitée par le groupe Orlatti pour ouvrir une gravière. Nous sommes près de la Venoge, à proximité du Moulin d’Amour. Le lendemain matin, je descends du train à Vufflens-la-Ville, commune qui héberge ces « nouveaux habitants ». Le fond de l’air est frais, la lumière blanche. Une voiture de police approche de la gare, remonte la colline en direction du village, tire à gauche vers la forêt. C’est une bonne piste à suivre. Une habitante me confirme l’existence du campement. Durant toute la nuit, elle a entendu des tracteurs qui vraisemblablement ont ravitaillé le camp.

Sous les banderoles et les cabanes dans les arbres, pas trace d’un tracteur ou d’une logistique lourde. Ils auraient accueilli à bras ouverts cette solidarité spontanée. Un de leurs buts est d’engager des échanges et des débats avec les habitant-e-s de la région, susciter un éveil citoyen sur la dégradation de l’environnement naturel, le bétonnage des terres agricoles, l’appauvrissement de la biodiversité et l’augmentation du trafic. Les grues et autres machines de chantier sont très présentes dans la proximité, signe évident d’une urbanisation qui convoite de nouveaux espaces. Ici comme ailleurs dans de trop nombreuses régions du pays, les acteurs de ces avancées conquérantes semblent ignorer les graves conséquences du dérèglement climatique, ou estiment toujours qu’il faut y aller comme avant. À ce rythme, la chute s’accélère.

« de 3 »

Grondements des terres cherche de nouvelles voies pour étoffer la réflexion, lui donner une dimension intergénérations, ne plus chercher des échappatoires, s’accrocher à de veines illusions. Aménager des surfaces de compensation écologique à la périphérie des zones urbanisées, même sérieusement étudiées par des bureaux spécialisés, ne suffit plus. Les limites de la planète nous rappellent que l’expansion n’est plus possible, qu’il s’agit d’aménager maintenant à l’intérieur de ce qui est construit avec d’autres matériaux, intégrer une vision durable. En d’autres termes vivre autrement sans détruire ce qui nous reste de nature et d’espérances. Revenir aux fondamentaux à commencer par la préservation des terres nourricières et les forêts.

Dans cette deuxième semaine de mars, la pluie est de retour après une longue absence, inhabituelle durant l’hiver. Il y a 10 ans encore nous aurions dit : « j’espère que ça va se calmer pour engager les semailles du printemps. Aujourd’hui, nous disons : il en faut encore, encore… ».

« Grondements des terres » nous rappellent qu’il est urgent de revenir aux valeurs fondamentales de la vie aussi simples et vitales, évidentes comme l’eau, les terres nourricières et la biodiversité. Préserver, cultiver, prélever sans gloutonnerie ni gaspillage, sans spéculation ni pollution. Un autre groupe, « Extinction Rébellion » affichait, concernant l’extension de la zone industrielle de la Tène sur 24 hectares de bonnes terres agricoles : « Qui sème le béton déguste la dalle ».

Ces groupes de jeunes, lanceurs et lanceuses d’alertes, nous dérangent par leurs actions qui projettent un éclairage cru sur le mal-développement des sociétés industrialisées et riches, sur notre inertie face à la nécessité de transiter vers des modes de vie plus apaisés et solidaires. Ces alertes légitimes et crédibles nous rappellent une fois de plus que ce ne sera plus comme avant, plus comme maintenant !

Fernand Cuche
Lignières, le 13 mars 2023

 

Vufflens la-VIlle le 05.03.2023 discours de Fernand Cuche

 

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le 13.03.23 à 19h, événement en ligne : « À quel prix notre système alimentaire nourrit-il le monde ? » avec Fernand Cuche

Extrait consacré à la première prise de parole de Fernand Cuche (9 min.)

Enregistrement complet de l’événement (2h 5 min.)

 


« de 2 »

Avec :
Fernand Cuche
Militant écologiste et ancien élu neuchâtelois
Kibrom Mehari
Spécialiste en droit à l’alimentation à l’EPER
Diary Rats imanarihaja
Experte agronome à Madagascar

Infos et inscriptions :
bit .ly/prixnourrir

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Alliance entre l’économie et l’Union suisse des paysans. Il était temps. Les campagnes retrouvent le sourire…

Dans la série : quelle audace !

Alliance entre l’économie et l’Union suisse des paysans.
Il était temps. Les campagnes retrouvent le sourire…

Le 6 janvier 2023, à l’occasion de l’épiphanie, jour où le Christ apparaît face aux Rois mages venus l’adorer, l’alliance est consolidée et officialisée, peut-être sacralisée un jour, sous le nom de : « Perspective suisse ».

Ce méga-pôle économique emploie plus de 4,5 millions de personnes dans plus de 600’000 entreprises. Le secteur agricole représente 48’500 entreprises pour environ 150’000 personnes actives. Pour les actions à venir, l’alliance mentionne les élections fédérales de décembre 2023 et la votation sur l’initiative populaire fédérale concernant la protection du paysage.

Quelle audace de se lier aux tenants de l’économie ! Le poids de la paysannerie représente moins de 1 % des entreprises et des emplois dans l’alliance.

L’Union suisse des paysans (USP) nous avait habitués à plus de méfiance face à des organisations tout aussi proches de l’agriculture, telles les associations de consommateurs ou de protections de la nature.

Ce partenariat se mijote depuis quelque temps déjà ; les propositions du Conseil fédéral pour la politique agricole à partir de 2022 (PA22+), marquées par des avancées progressistes pour le statut de la paysanne, les enjeux environnementaux et l’accès à la terre faisaient grimacer l’USP qui demandait une non-entrée en  matière.

Les milieux économiques ne voulaient pas de l’initiative « multinationales responsables ». Si l’USP propose aussi de la rejeter, les milieux économiques donneront le coup de main pour renvoyer PA22+.

La manœuvre a réussi. Rebelote pour les initiatives anti-pesticides, idem pour le traité commercial avec l’Indonésie concernant notamment l’importation d’huile de palme. Et dernière consultation en date, l’initiative contre l’élevage intensif est aussi refusée.

Pourquoi changer l’attelage lorsque l’alliance réussit si bien ?

Tentons de rester positifs et optimistes. La puissance de frappe de cette nouvelle l’entité consolidée permet d’espérer une adaptation automatique des salaires au coût de la vie, une revalorisation des revenus les plus bas.

Pour la paysannerie, espérons-le, la fixation durable de prix rémunérateurs à la production ainsi que des prix abordables pour les équipements et les intrants.

Nous aurons aussi une meilleure transparence au sujet des marges qui font encore l’objet d’une opacité tenace.

Pour les traités commerciaux, les nouvelles priorités valoriseront partout dans le monde une agriculture de proximité à dimension humaine, équitablement rémunérée et biodiversifiée.

Pour les échanges commerciaux où l’obsession de la compétitivité est la règle, elle sera remplacée par l’obligation de se référer à un statut digne pour les travailleurs-euses et la préservation impérative de l’environnement. L’augmentation des emplois dans les campagnes va jouer un rôle décisif pour réussir une transition vers des pratiques agricoles qui intègrent la fertilité naturelle des terres, des cultures diversifiées, notamment par la mise en valeur d’anciennes variétés qui présentent de bonnes caractéristiques face au dérèglement climatique.

Avec plus de main-d’œuvre et une mécanisation légère, l’agriculture sera progressivement décarbonée.

Par cette alliance, les zones industrielles, commerciales, de loisirs et terres agricoles sont réunies sous le même toit.

Espérons une percée de l’USP, si proche des familles paysannes, pour rappeler avec détermination que 90 % de notre alimentation dépend des sols. Ce qui nous reste de terres agricoles doit impérativement être destiné à produire des denrées alimentaires.

Les milieux économiques saisissent l’enjeu vital qui se joue et renoncent à construire dans des terres porteuses de vie. Ils font acte de courage et de sobriété en revitalisant les friches industrielles et bientôt, les futures friches commerciales surdimensionnées.

Espérons que « Perspective suisse » aille plus loin et se saisisse des conséquences du dérèglement climatique particulièrement marquant durant l’année 2022 avec la fonte des glaciers qui atteint une diminution record de 6 %, en moyenne, la raréfaction de l’eau qui impacte l’agriculture et la composition de la végétation indigène. Les experts craignent l’apparition d’effets boule de neige et des changements irréversibles, avec des phénomènes qui n’évoluent plus de façon linéaire.

Les Rois mages s’en sont retournés dans les villes, les campagnes et les banlieues, porteurs de ces bonnes nouvelles. Ce n’est qu’un début.

Pour nouer la gerbe, une deuxième étape est nécessaire ; l’USP rejoint l’organigramme d’Économie suisse, de l’USAM ou de l’Union patronale suisse, les chambres d’agriculture intègrent leur Chambre cantonale du commerce.

Cette synergie permettra d’optimaliser les frais de fonctionnement des uns et des autres. Pour le secteur agricole qui ne compte plus que 48’500 entreprises, son absorption est à portée de main, d’autant plus que la diminution des exploitations se poursuivra. Les cotisations devraient baisser pour celles qui restent.

Je doute :

Créer une alliance en vue d’une échéance électorale est dans la tradition. Déclarer à l’unisson l’objectif d’une économie prospère et d’une agriculture de pointe, robuste et moderne, c’est aussi dans la tradition.

Face au dérèglement climatique, les déclarations ronflantes ne sont que trop rarement suivies de décisions concrètes, à la hauteur des enjeux vitaux. L’urgence climatique nous contraint à une réflexion profonde avec l’exigence de créer de nouveaux outils pour limiter la casse, ne pas détruire ce qui reste de vivant sur la planète. La politique agricole doit être revue de fond en comble pour ne pas utiliser le terme de révolution qui fait peur, nous paralyse dans un premier temps.

Le bilan d’une agriculture de pointe, robuste et moderne, telle que nous la développons depuis le lendemain de la dernière guerre mondiale est mauvais pour la planète ; pour produire une calorie alimentaire, nous consommons aujourd’hui 7 à 10 calories fossiles.

Impossible de continuer ainsi. Le rapport entre la surface cultivée et le nombre de personnes actives dans l’agriculture est de plus en plus déséquilibré.

Sommes-nous prêts, par exemple, à modifier le droit foncier rural pour permettre à celles et ceux qui souhaitent travailler dans l’agriculture d’accéder à la terre, d’innover avec de nouvelles pratiques culturales ? Nous avons besoin de ces pensées innovantes pour le changement devenu inéluctable.

C’est déstabilisant de penser que ce ne sera plus comme aujourd’hui.

C’est enrageant ou humiliant de reconnaître que les vers de terre et tous les micro-organismes jouent les premiers rôles dans l’acte de produire des denrées alimentaires, et non les puissants tracteurs qui pourtant me fascinent encore un peu…

La préservation des biens vitaux est impérative et doit constituer la référence dans tous les secteurs d’activités. La nouvelle alliance « Perspective suisse » doit intégrer ces valeurs de vie dans une nouvelle orientation de l’économie qui constitue le noyau dur de la résistance au changement.

Élaborer une stratégie pour les prochaines élections fédérales ou pour faire barrage aux initiatives qui appellent à prendre des mesures pour limiter la casse écologique qui se renforce me paraît vain et d’un autre temps.

Fernand Cuche.
Lignières, le 20 janvier 2023

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Semailles annuelles à la Ferme de l’Aubier, en présence de Fernand Cuche, le 9 octobre 2022

« de 5 »

Le discours de Fernand Cuche :

 » Semailles d’automne.

Semer la zizanie, la pagaille, semer ses concurrents, semer le doute comme les climatosceptiques… En plus crédible, celles et ceux qui doutent que le modèle économique qui s’impose progressivement sur l’ensemble de la planète soit le bon pour durer.

Une économie néo-libérale qui épuise des enfants, des femmes, des hommes et les ressources vitales.

Douter de prouesses techniques dispendieuses, inconcevables par les temps qui courent comme la coupe du monde de foot au Qatar ou de futurs jeux olympiques d’hiver en plein désert d’Arabie saoudite où il ne neige pas… l’occasion aussi de construire une ville du futur enneigée toute l’année de quoi faire pâlir Zermatt, Crans Montana, Andermatt ou Verbier.

Les feux avertisseurs de danger étaient à l’orange clignotant, ils ont passé à l’orange permanent.

Depuis quelques décennies déjà, ils ont au rouge. D’ici qu’ils reviennent au vert, il va falloir s’accrocher…

Impressionnant comme le dérèglement climatique jette une lumière crue sur nos mal-développements, nos excès, nos capacités performantes à détruire ce qui permet la vie.

Surprenant comme le mot sobriété, si cher à Pierre Rabi, prend place dans le discours politique, semant le doute quant à la croissance, le toujours plus, le toujours plus loin.

« Je consomme donc je suis. »

« Plus je m’éloigne pour mes vacances, plus je me rapproche de la nature, j’ai dormi dans les arbres en Amazonie… »

Dans ce monde qui s’appauvrit, se lézarde, brûle, s’assèche ou subit l’inondation de grande envergure comme au Pakistan, le doute n’est plus permis.

La transition fondamentale vers une société plus apaisée, équitable, solidaire s’impose, préservant impérativement et durablement les ressources naturelles. Il va falloir s’accrocher, enfin pour celles et ceux qui ont déjà fait le choix d’une autre vie, ils, elles ne peuvent qu’être confirmé-e-s dans leur nouvelle orientation.

Il serait faux de se culpabiliser parce que malgré nos propositions, nos engagements, nous en sommes arrivés à un point de bascule. La tâche incombe plus que jamais à l’ensemble de la société.

Cette transition inévitable s’impose. Elle ne peut échapper à l’abandon du système économique constituant son noyau dur. L’abandon progressif de ce modèle destructeur ouvre enfin pour toutes et tous un espace de réflexion et de création libéré de la croissance économique, un espace où nous n’avons jamais mis les pieds. Il est grand temps de franchir ce pas décisif pour l’avenir de l’humanité.

C’est le temps des semailles d’automne. Nous pouvons y aller d’un bon pas sans le moindre doute. C’est le temps aussi de rappeler que 90 % de notre alimentation dépend des sols, dépend aussi d’une rémunération équitable pour celles et ceux qui cultivent les terres, élèvent du bétail, prennent soin de la fertilité naturelle des espaces ruraux.

C’est le temps aussi de semer les graines d’une nouvelle solidarité qui assure pour toutes et tous l’accès à une alimentation saine, suffisante, diversifiée, l’accès à l’eau potable, aux semences.

C’est le temps de réensemencer les graines porteuses des libertés fondamentales, le droit à la parole, le droit de manifester, de revendiquer. Je pense en particulier aux manifestations en Iran.

L’automne, après les semailles c’est le temps de la somnolence, puis du repos pour ce qui est vital, les terres nourricières.  »

Fernand Cuche
Montézillon, le 9 octobre 2022

Le site de L’Aubier

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Verts neuchâtelois : 50 ans. Faut-il s’en réjouir ?

Voilà une entrée en matière qui casse l’ambiance… Au début de mon engagement, j’ai souvent pensé que les Verts-tes étaient un mal nécessaire, que nous n’étions pas appelés à durer, parce que les dysfonctionnements que nous dénoncions seraient rapidement écartés par une majorité, tant leur progression rapide présentait de sérieuses menaces.

Nous n’étions pas les seuls, Pro Natura, Greenpeace, le WWF étaient à l’œuvre avant nous, tout comme des femmes et des hommes engagé-e-s dans des actions citoyennes. Je pense aux amis du Mont-Racine qui sont à l’origine de l’initiative populaire cantonale visant la protection des crêtes et des grèves du lac, acceptée par 83 % des votant-e-s avec le soutien affiché, militant du Conseil d’État.

Les feux avertisseurs d’un danger étaient à l’orange clignotant, ils ont passé à l’orange permanent, depuis quelques décennies déjà ils sont au rouge. Mes prévisions optimistes quant à l’engagement des Verts pour inverser le cours de dégradations irréversibles sont parties en fumée, ont été emportées par des laves torrentielles ou se sont évaporées dans les canicules.

D’un mal nécessaire, les Verts sont devenus une nécessité. Dans ce monde qui se lézarde, brûle, s’assèche, s’appauvrit, provoquant la douleur, la désespérance, de grands élans, des grands projets doivent éclore pour évoluer vers une société plus apaisée, équitable et solidaire, préservant impérativement et durablement les ressources naturelles.

Il serait faux de se culpabiliser parce que malgré nos engagements, nos propositions, nos avancées électorales, nous en sommes arrivés à un point de bascule. La tâche incombe plus que jamais à l’ensemble de la société.

À ma connaissance, l’homme est le mammifère qui a développé les moyens les plus efficaces, les plus puissants, performants et diversifiés pour détruire, polluer, appauvrir le milieu naturel qui lui apporte la vie. Imaginer que nous mettions toutes ces énergies et ces intelligences renouvelables au service d’objectifs communs qui nous relient et nous motivent à s’engager.

« Ça ne peut pas continuer ainsi « combien de fois l’ai-je entendu durant ces mois d’été caniculaires.

Les Verts sont de plus en plus crédibles, compétents et légitimés pour lancer les grandes manœuvres. La tâche est ardue, comment faire comprendre qu’il faudra se libérer de nos addictions à la consommation, vivre plus sobrement ; « je consomme, donc je suis…» Quels mots utilisés, quelles actions à lancer pour que nous comprenions que nous n’avons plus le choix !

Oui, en l’état il faudra vivre avec moins ; la planète a des limites, plus possible de l’ignorer. « plus je m’éloigne pour un dépaysement bien mérité, plus je me rapproche de la nature, j’ai dormi dans les arbres en  pleine forêt tropicale… ». La tâche est ardue.

Cet autre monde, il faut le créer, l’aménager sans détruire ce qui reste de nature. Cette transition inévitable ne peut échapper à l’abandon d’un système économique qui épuise la planète, qui nous épuise.

L’abandon de ce modèle ouvre un espace pour la réflexion et la création où nous n’avons jamais mis les pieds. Il est temps de franchir le pas.

Fernand Cuche,
Lignières, le 3 septembre 2022

 

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OUI à Initiative contre l’élevage intensif (votations du 25 septembre 2022)

Préfiguration de notre alimentation face au dérèglement climatique.

Pour produire un maximum de viande en un minimum de temps sur une surface réduite, avec des aliments concentrés importés, nous avons fait fort, jusqu’à la tentation de l’hormone de croissance, fort heureusement interdite chez nous et dans l’UE. C’était le grand boum de la production carnée hors-sol. Dans les années 70, la porcherie Coop-Bell à Chavornay comptait 6000 places de porcs, pour Migros, idem à Chesalles-sur-Moudon. Les agriculteurs des alentours étaient invités à se servir du lisier pour leurs terres. Des éleveurs-entrepreneurs n’étaient pas en reste, ils ont construit de grandes porcheries industrielles. Le lisier coulait en abondance dans plusieurs régions du pays. Pour éviter une pollution généralisée des eaux, les autorités fédérales décident d’un plan d’action qui, entre autres, met à disposition plusieurs millions pour fermer les grandes porcheries. Coop et Migros se retrouveront parmi les heureux bénéficiaires de cette manne fédérale.

Dans cette saga de la production carnée intensive, cet épisode est le plus marquant. D’autres mesures devront être prises par la suite pour calmer les appétits insatiables de la production industrielle. À la préservation de biens vitaux comme la qualité de l’eau, la biodiversité et d’écosystèmes particulièrement fragiles, s’est ajoutée ces dernières années une dimension éthique sur la détention des animaux de rente. L’initiative soumise au peuple le 25 septembre prochain intègre cette dimension.

Coïncidences ou pas, elle préfigure les nouvelles priorités de l’alimentation pour l’humanité face au dérèglement climatique, dont les conséquences nous incitent, nous contraient à diminuer drastiquement notre consommation de viande. Il en va de notre sécurité alimentaire ; en consommant prioritairement des protéines d’origine végétale, en cultivant prioritairement des légumineuses, des pommes de terre, des légumes, des céréales, des haricots pour la consommation humaine plutôt que pour nourrir le bétail, le degré d’autosuffisance augmente. De plus, les plantes absorbent le CO2 et stockent le carbone dans le sol. Les légumineuses se chargent gratuitement de fixer l’azote, un engrais important pour les rendements, d’autant plus précieux que sa fabrication sous forme synthétique consomme du pétrole ou du gaz en grande quantité. Un engrais du commerce dont le prix le place aujourd’hui dans les produits de luxe… Pour les pâturages, les terrains en pente, vallonnés et les alpages, le bétail continuera de mettre en valeur ces surfaces non cultivables.

Il nous faut sans tarder transformer nos systèmes alimentaires pour transiter vers une agriculture plus diversifiée et durable, mettre le cap sur l’agroécologie. L’acceptation de l’initiative provoquerait un sérieux coup d’accélérateur pour lancer la grande réforme qui s’impose, face à laquelle les autorités fédérales tergiversent. Elle apporterait une légitimité populaire pour tous les acteurs concernés, de la recherche agronomique à la consommation réfléchie et responsable de biens alimentaires. Face aux événements climatiques extrêmes que nous vivons partout dans le monde depuis le début de l’année, acceptons cette initiative, même si elle ne n’englobe pas globalement à tous les autres moyens à mettre en œuvre pour cette transition. Cette tâche incombe à la Confédération et aux organisations agricoles pour accompagner la paysannerie vers des modes de production durables. Compte tenu du délai de transition pour sa mise en œuvre de 25 ans et la prise en considération des exigences actuelles de Bio suisse concernant la dignité des animaux de rentes, cette initiative ne peut être qualifiée d’extrême !

Fernand Cuche
Lignières, le 31 août 2022

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70 ans d’Uniterre : la contribution de Fernand Cuche

« C’est une triste chose de songer que la nature nous parle et que le genre humain n’écoute pas »
Victor HUGO, 1870.

Que dire pour les 70 ans d’Uniterre ? J’ai pensé raconter l’histoire de mes contacts avec le mouvement, énumérer les moments clés. J’ai abandonné ce filon. La tentation de l’approche anecdotique m’a stimulé : du genre Cuche qui négocie avec le lieutenant de police Barbezat lors du blocage des entrepôts Coop à la Chaux-de-Fonds, à Genève devant le Macdo lors d’une manifestation contre les dérives de l’ OMC, un paysan insiste pour entrer, je m’oppose fermement et comprends enfin qu’il vise uniquement les toilettes, c’est urgent. Lors de la même manif un participant, l’air grave, me signale qu’un policier en civil me suit de près, l’oreillette bien en place, c’est un arrangement décidé avec le commandant Baer, le policier est chargé de m’informer si des troubles surviennent. À Courtepin lors du blocage des abattoirs Micarna des petits pains en forme de cochon sont gratuitement livrés par la boulangerie du village.

Pour tenter d’ouvrir un espace cérébral propice à une réflexion originale, je fauche la prairie naturelle autour de la maison, je tente une percée innovante dans l’aménagement du bûcher, j’amène le tracteur pour un service. Là, c’est le choc : il paraît toujours plus petit, sauf si je parviens à le considérer comme une tondeuse à gazon avec un couteau rotatif entre les essieux. Face à un gros transporteur forestier, il trouve sa place dans le bac à sable. Le patron tente de me rassurer, il le verrait d’un bon œil sur un alpage. L’été prochain j’inalpe…

Je tourne autour du pot. J’aimerais rester léger, à la périphérie et considérer, comme la plupart d’entre nous, que les surfaces de compensation écologique, les prairies fleuries, les réseaux nature et l’obligation du pendilliard finiront par suffire sans devoir intégrer l’écologie à l’acte de production, à l’ensemble des terres agricoles. Mais j’en doute. Le prix du bois flambe, les forêts aussi. Le prix des aliments de base comme celui des céréales est à la hausse, mais le potentiel naturel de production est à la baisse. Le dérèglement climatique interroge, ébranle nos certitudes. Le modèle économique dominant de la production agricole tente de s’adapter. Les toujours convaincus estiment que nous avons un peu de retard dans l’innovation pour produire de nouveaux moyens de lutte, même si ce modèle est remis en question depuis plusieurs décennies ; trop gourmand en eau, machines trop lourdes pour la terre, biodiversité en recul, vorace en énergie fossile, à la peine pour diminuer les toxiques. À ma connaissance, l’homme est toujours le seul mammifère capable de saccager irrémédiablement le milieu vital.

Mon intention n’est pas de prendre plaisir à noircir la situation, elle vise un état de lucidité qui pourrait favoriser un autre rapport aux autres, à la terre. Cette lucidité m’invite aussi à me réjouir de toutes les actions alternatives qui fleurissent partout dans le monde. Des femmes et des hommes, libérés de l’emprise du modèle dominant reprennent pied sur leur propre terre ; agrobiologie, agroforesterie, régénération des sols, culture d’anciennes variétés, polycultures-élevage, permaculture. Ces alternatives ont le grand mérite de démontrer qu’une autre agriculture productive est possible, écologique et créatrice d’emplois.

Le jour du «dépassement».

Jeudi 29 juillet dernier, l’humanité avait consommé l’ensemble des ressources planétaires pour 2021. Pour le reste de l’année nous puisons dans le capital. Ce jour du «dépassement» se produit lorsque la pression humaine dépasse les capacités de régénération des écosystèmes naturels. Il est urgent d’engager les grandes manœuvres pour limiter la casse, construire sans détruire ce qui reste. Les actions citoyennes, notamment dans l’agriculture, constituent une nouvelle trame réjouissante, crédible. Elles ne suffiront pas si les gouvernements, les milieux économiques, industriels, financiers continuent d’agir timidement à la périphérie du noyau dur, à savoir ce modèle économique et commercial dominant, totalement inefficace face à l’ampleur de la tâche.

Les affrontements commerciaux quotidiens pour dominer les marchés entraînent une concurrence effrénée pour produire au coup de production le plus bas. Cet entêtement addictif épuise les populations et les ressources vitales. Cet emballement de l’ultralibéralisme induit un comportement destructeur, caractérisé par une politique de la terre brûlée. C’est une forme de barbarie moderne.

C’est au coeur de ce noyau dur que les gouvernements et les institutions internationales doivent agir. C’est ici que se jouent les cartes d’une souveraineté à restaurer urgemment. Les grandes puissances économiques, devenues les principales organisatrices de nos sociétés , ne sauraient se targuer d’une quelconque légitimité politique. Elles se sont arrogé un pouvoir illégitime. L’es nombreux mouvements de la société civile, à l’image d’Uniterre, constituent des forces de transition crédibles. Ils portent en commun la volonté de s’unir pour la terre dont dépend près de 90 % de notre alimentation.

Octobre 2021.    Fernand Cuche

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