Avec l’introduction des paiements directs écologiques au début des années 90 et leurs multiples adaptations au cours de ces dernières décennies, nous pensions avoir atteint les objectifs d’une agriculture respectueuse de l’environnement.
Deux récentes études révèlent la persistance de nombreux pesticides dans les ruisseaux, et tout aussi grave, une présence bien enracinée de ces mêmes substances nocives sur l’ensemble des terres nourricières, y compris celles cultivées selon les exigences de l’agriculture biologique. Elles ont aussi trouvé refuge dans les surfaces de compensation écologiques, des surfaces destinées à favoriser le développement de la faune auxiliaire utile, comme les pollinisateurs…
Ces résultats me font penser à cette polémique suscitée par le Conseil fédéral lorsqu’il s’aventurait sur la possibilité de faire coexister sur le territoire national une agriculture avec ou sans organismes génétiquement modifiés (OGM). Le tollé fut tel, qu’il a renoncé à poursuivre l’évaluation d’une telle absurdité agronomique.
Ces deux récentes études sur la présence tenace des pesticides qui se disséminent par le vent, l’eau de ruissellement, et qui vont jusqu’à contaminer les zones refuge pour la faune auxiliaire utile, mettent en évidence, une fois de plus, l’incompatibilité de faire coexister deux modes de production.
En parallèle, nous assistons au plan national à la diminution de 60 % des oiseaux insectivores du paysage rural entre 1990 et 2016, provoquée par l’intensification croissante de l’agriculture qui détruit des habitats importants pour les oiseaux et les micro-organismes, et par les pesticides épandus qui tuent une bonne partie des insectes. Et cerise sur le gâteau, le Conseil mondial de la biodiversité observe dans son rapport publié en 2018 le déclin de la biodiversité dans toute l’Europe et dans le monde. La Suisse n’échappe pas à ce constat.
À défaut de pouvoir arrêter le vent et empêcher les eaux de ruissellement pour éviter les contaminations par les pesticides la voie à suivre est toute tracée ; c’est l’abandon programmé des pesticides de synthèse.
Il serait regrettable que le Conseil fédéral s’aventure une nouvelle fois dans une étude foireuse comme il l’a fait pour les OGM. S’il persiste dans un bricolage cosmétique, c’est la crédibilité de son autorité et celle des Chambres fédérales qui est en jeu.
Si vous additionnez les milliards investis en paiements directs écologiques depuis le début des années 90 pour un résultat fort décevant, les citoyennes et les citoyens monteront une nouvelle fois au front avec une 11ème initiative fédérale.Il est devenu urgent et impératif d’intégrer l’écologie à l’acte de production de toutes les denrées alimentaires, sur l’ensemble des terres nourricières.
Fernand Cuche et André Frutschi
Le 12 avril 2019