Le Conseil d’État neuchâtelois a levé les oppositions de « la Tène en transition » concernant l’extension de la zone industrielle de Marin ; une extension de 23 hectares est projetée dans les meilleures terres agricoles du canton. Le 22 novembre dernier, l’association a déposé un recours auprès du Tribunal cantonal.
Intervention de Fernand Cuche.
Nous tardons à préserver ce qui nous reste de terres cultivables. Nous tardons à développer des pratiques agricoles qui intègrent les conséquences de plus en plus visibles du dérèglement climatique qui se traduit par une baisse des rendements. Or, 90 % de l’alimentation dépend des sols cultivés. Ils constituent l’élément central de notre sécurité alimentaire. Dans ce contexte l’utilisation des terres devient un enjeu primordial.
La croissance assure la bonne marche de notre développement industriel, si elle ralentit, stagne ou entre en récession nous nous alarmons à juste titre, car le modèle économique que nous avons choisi chancelle si cette dernière n’est pas continue, à l’image d’un cycliste qui pédale obstinément pour éviter la chute. Un cycliste qui s’interdit de mettre le pied à terre s’épuise inexorablement jusqu’à l’effondrement.
Ralentir, mettre le pied à terre est devenu inévitable. Redéfinir des priorités dans l’utilisation des ressources est vital. En 1972, le rapport du Club de Rome alarmait le monde sur « les limites de la croissance ». Les auteurs et les autrices de ce rapport mettaient en garde l’humanité contre le risque d’effondrement du système planétaire si l’humanité poursuivait sa croissance économique et maintenait sa consommation exponentielle, sans tenir compte de la finitude des ressources naturelles. (« Le Temps », 20 nov. 2023)
L’épuisement des ressources vitales, les dégradations liées au dérèglement climatique qui avance plus vite que prévu nous contraignent à reconsidérer les choix que nous avons faits il y a 5, 10 ou 15 ans. Des choix qui nous apparaissaient cohérents, faisables, bons pour un canton, une région, ne le sont plus aujourd’hui. Tout comme l’extension du réseau autoroutier, la construction de nouveaux aéroports, l’ouverture de nouveaux gisements de gaz ou de pétrole, l’exploitation de nouvelles gravières ou l’installation de nouveaux canons à neige ; l’entêtement d’aller toujours plus haut dans le massif alpin, pour tracer de nouvelles pistes ou l’extension de nouvelles zones industrielles dans des terres arables.
Projeter aujourd’hui encore de bétonner 23 hectares dans les meilleures terres agricoles du canton sans ouvrir pour le moins un débat de fond sur les conséquences de ce choix est surprenant. L’enjeu est d’aménager sans détruire ce qui nous reste d’environnement naturel, un bien vital pour l’humanité.
Fernand Cuche
Lignières. Le 30 novembre 2023